Les belles histoires de l’oncle Régis

Quel gentilé pour les habitants de l’Ain ?

Depuis le 4 mars 1790, dans l’Ain, on est bien ! Mais qui sommes-nous ?

samedi 5 mars 2011 par rkj

Personne n’ignore dans notre doux premier département de France, que ni les Bressans, ni les Dombistes, ni les Bugistes et les Gessiens n’ont de gentilé commun ! Quant à ceux du Val de Saône, de la Plaine de l’Ain et aux Revermontois : nenni ma foi ! Pourtant, des propositions, on en a eu ! Je me souviens même d’un concours, il y a quelque temps déjà ! Comme j’ai vu sur la toile, la facétie a même poussé plus d’un à jouer sur l’absurde et le décalage ! On pourrait nous appeler les Trois (parce que Trois de Ain), mais il semble que le mieux pour répondre à la question « comment appelle-t-on les gens de l’Ain ? » soit de composer leur numéro de téléphone et dire allô quand ils décrochent !

Alors, où en sommes nous, deux cent vingt et Ain ans après la création du premier des 101 métropolitains et ultramar(a)ins ?

Si le département de l’Ain tire son nom de la rivière éponyme, celle-ci n’a pas non plus engendré d’adjectif. Comme l’origine de son nom fait débat dans le landerneau des toponymistes allons voir ce qu’en disent ces spécialistes… Henry Suter, de Suisse, nous offre un site Web intéressant où l’on peut lire que l’Ain, affluent du Rhône, est attesté sous les formes « Flumen que Igneus dicitur au viie ou viiie siècle, Igniz en 1112, Hinnis en 1169, Usque ad Hent vers 1180, Flumen que dicitur Enz en 1212, Innnis en 1212, Henz en 1213, Hens en 1230, Ynnis en 1239, Super Yndim en 1236, Ens en 1299, Eyns en 1306, Indis en 1337, Yndis en 1421, Ayns en 1421, Ains en 1492, Eynds en 1559, Idanus fluvius au XVIe siècle, Usque ad Idanum en 1608, Danus en 1618, Le Dain en 1658, Inz en 1665 et Ain en 1734. Selon Philipon la forme originaire [originelle NDLR] serait Indis, et Idanus, Danus seraient des formes inventées par des érudits qui voyaient dans Danus un mot celtique signifiant rivière.

Selon Nègre en 1990, ce nom dériverait d´une racine préceltique *en-, à rapprocher de l´irlandais en, “eau” ». Le dictionnaire de Trévoux nous dit, lui, que l’Ain est une « rivière de France. Ens, Indus, Indis, Idanus, Danus. Elle sort du mont Jura, dans le bailliage de Salins, en Franche-Comté : sortant de la Franche-Comté, elle entre dans la Bresse, qu’elle traverse, pour s’aller jeter dans le Rhône au-dessus de Lyon. ». On devrait alors éliminer les Aindiens et les Aindoux (même si notre département a longtemps suggéré la langueur !). Il nous resterait à créer (oh que j’aime à jouer les démiurges lâchant des cataractes diluviennes pour ériger l’homme nouveau de l’Ain !), Igniens (ou Ignards sur le modèle du binôme Savoisien/Savoyard), Igniziens, Hinnistes, Hentiens (pas nouveaux donc !), Enzeaux (avec des voitures rouges ?), Innnistes (pourquoi tant de N ?), Ynnistes, Yndimiens, Ensiens, Eynsistes, Aynsistes ou Ainsistes (tants ?), Indis (posés ?), Indisiens ou Yndisiens (un indice ?), Eyndistes, Idaniens et Daniens ?

Idaniens, Idaniennes

Et ces Idaniens semblent bien avoir le vent en poupe (la rivière d’Ain, n’est pas navigable, mais qu’importe !) chez les scientifiques : dès le début du siècle dernier, Antonin Durafour illustre naturaliste de l’Ain collait cette épithète au Jura pour désigner le Bugey. En 1903, un géologue, Louis Rollier reprendra le terme pour qualifier les reliefs du département et s’élèvera même contre l’utilisation de l’adjectif pour la rivière qui nait à Conte. En 1995, l’adjectif revient sous le calame de Terretaz dans une florule des régions orientales du premier département français sous les tépales d’une Anémone. En 2008, enfin, deux bryologues de la capitale des Gaules, Vadam & Philippe utilisent la formule pour nous éclairer sur les nouveautés de la strate muscinée de notre département !

Au terme de cette litanie, l’idanien est-il épithète idoine ? Rhodaniens, Ligériens, Doubistes, Isérois et Drômois laissent couler le sens originel de leur département dans leur gentilé, alors pourquoi pas nous ? Je vous laisse le choix. Tiens ! j’ai oublié nos amis de Privas. Par choix ? Sans doute, la toponymie, c’est l’art des choix !

Attention toutefois que dans la folie qui rend le ballon rond obligatoire en ce siècle de pains et de jeux, on ne nous oblige pas à revoir tous les inédits des Idaniens !

Sources consultées

Dictionnaire universel françois et latin, 6e édition (1771), t. 1. pp. 191-200

Durafour, A, 1902. Localités nouvelles pour le Jura idanien. (Bull. Soc. nat. Ain. 1902. No. 11. p. 54—55.)

Philipon, É., 1911- Dictionnaire topographique du département de l’Ain comprenant les noms de lieu anciens et modernes. Paris Impr. nationale. LXXXIII-528 p. ; 27 cm. p. 4 En Ligne

Rollier L., 1903. Le plissement de la chaine du Jura. In : Annales de Géographie. 1903, t. 12, n°66. pp. 403-410. P. 405.

Terretaz, J.-L., 1995. Florule est-idanienne. In Anémone, no 10, 1995, 20 p. Fig.

Vadam, J.-C., Philippe, M., 2008. Nouveautés bryologiques idaniennes. Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 6, pp. 125-130

Philippe, M., André G., Hoff M. et Thiébaut M. , 2015. Prodrome d’une histoire de la bryologie idanienne. Nouvelles Archives de la Flore jurassienne et du nord-est de la France, 15, pp. 51-80


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